Méthodes générales d’examen bactériologique des eaux

Méthodes générales d’examen bactériologique des eaux

I. Méthodes générales de dénombrement après concentration

1. Concentration au laboratoire par filtration sur membranes

C’est la technique de concentration la plus utilisée au laboratoire. Le plus généralement, on procède à une filtration sur membranes en esters de cellulose, de porosité 0,22 µm ou 0,45 µm, susceptibles de retenir les bactéries.

  • Matériel pour filtration sur membrane

Plusieurs modèles d’appareil de filtration sont commercialisés. Ils comprennent tous les éléments de base suivants, dont l’assemblage est schématisé dans la figure ci-dessous.



Coupe schématique d’un appareil de filtration sur membranes  


Un entonnoir-réservoir (1) cylindrique ou conique, en acier inoxydable ou plastique à usage unique, de taille variable généralement de 50 à 500 mL, gradué. Ce réservoir est destiné à être appliqué exactement sur la surface plane, cylindrique, du support métallique lui servant de base.
Un support métallique (2) formant une sorte de cuvette conique dont le bord supérieur reçoit une plaque poreuse (3) (généralement de 50 mm de diamètre) destinée à supporter une membrane filtrante (4) de même diamètre. La partie inférieure de la cuvette est prolongée par un tube creux, muni d’un robinet (5), permettant le passage d’une aspiration par trompe à vide et l’évacuation du liquide filtré.
Un dispositif d’assemblage (6) des deux pièces précédentes, variable selon le modèle d’appareil (collier de serrage, pince amovible, clip, etc.) permet de solidariser réservoir et support et d’assurer l’étanchéité, en évitant toute fuite du liquide contenu dans le réservoir.
Un matériel de liaison supportant l’ensemble de cet appareil de filtration et le reliant à un dispositif d’obtention du vide. Dans sa version la plus simple, représentée sur le schéma, il consiste en une fiole à vide en verre, de capacité suffisante pour éviter des vidanges trop fréquentes de l’eau filtrée (5 litres par exemple), reliée à une trompe à eau ou une pompe à vide par l’intermédiaire d’un flacon de garde, muni d’un manomètre.
Dans des dispositifs plus complexes, la fiole à vide est remplacée par une rampe supportant plusieurs appareils de filtration. La face supérieure du support métallique et la plaque poreuse au contact avec la face supérieure de la membrane sont généralement stérilisées à la flamme.

Le réservoir peut être stérilisé de la même façon. Directement au contact des eaux analysées, son flambage doit être particulièrement soigné ; le refroidissement est alors relativement long, d’où l’avantage des entonnoirs à usage unique.
Les membranes filtrantes utilisées sont généralement constituées par des esters de cellulose ; le diamètre des pores est généralement de 0,45 μm (parfois de 0,22 μm). Un quadrillage en surface facilite les dénombrements bactériens.

  • Technique de la filtration sur membrane

Flamber la face supérieure (plaque poreuse) de l’appareil. Fermer le robinet du support et mettre en marche la pompe à vide. Prélever une membrane stérile en la saisissant par son bord extérieur, avec une pince flambée et refroidie ; la déposer sur la plaque poreuse. L’entonnoir-réservoir flambé et refroidi est placé au-dessus de la membrane. Installer le dispositif de fixation (dans certains modèles d’appareils, ce dispositif, toujours prévu, est inutile, l’adhérence du réservoir sur la membrane étant suffisante). Agiter soigneusement le flacon d’eau à analyser et verser l’eau, stérilement, dans le réservoir jusqu’au repère (50 ou 100 mL selon l’appareil et selon le type d’analyse pratiquée).

Ouvrir le robinet du support suffisamment pour laisser l’eau s’écouler lentement sous l’action du vide. Si le contenu du réservoir correspond à la prise d’essai nécessaire, rincer avec de l’eau stérile (40 à 50 mL) dès la filtration terminée. Sinon, fermer le robinet à ce moment-là, remplir à nouveau leréservoir avec de l’eau à analyser, et rincer lorsque tout l’échantillon a été filtré. Dès que la membrane paraît sèche, fermer le robinet, enlever le dispositif de fixation et, avec la pince à creuset, le réservoir.


Prélever la membrane avec une pince flambée en la saisissant par son extrême bord, et l’introduire sur le milieu de culture choisi ou lui faire subir le traitement selon la méthode utilisée parmi celles qui seront décrites ultérieurement. Lorsque le volume d’échantillon à filtrer est important, et que la teneur en matières en suspension n’est pas négligeable, la membrane peut être colmatée avant l’utilisation complète de la prise d’essai nécessaire à analyser. Plusieurs membranes devront donc être successivement utilisées. 

2. Dénombrement sur membrane filtrante

La membrane après la filtration peut être déposée sur la surface d’une gélose. Les bactéries retenues à la surface sont nourries à travers la membrane par les pores de celle-ci.


Dans le cas des eaux d’alimentation ou des eaux de surface de bonne qualité, il n’y a généralement aucune difficulté à filtrer 100 mL. La sensibilité  est donc, dans ce cas, 100 fois supérieure à celle obtenue normalement par incorporation en gélose, 20 fois à celle-ci lorsque l’inoculum peut exceptionnellement être porté à 5 mL. Pour de telles eaux, des volumes plus importants peuvent souvent être filtrés.

II. Méthodes générales de dénombrement direct par numération des colonies après ensemencement sur (ou dans) une gélose nutritive

1. Dénombrement par incorporation en gélose  

La méthode fréquemment utilisée (bactéries aérobies revivifiables) consiste à mélanger dans une boîte de Pétri de 90 à 100 mm de diamètre, 1 mL   d’échantillon et 15 mL de milieu gélosé, fondu et ramené à une température de 45 °C environ. Dans ces conditions, le nombre maximum de colonies acceptable pour éviter les phénomènes de confluence et de compétition bactérienne est généralement estimé à 300. Pour avoir une précision de 50 %, nécessitant le comptage de 30 colonies, il conviendra donc de procéder à des dilutions dans un rapport de 1 à 10, et la sensibilité de la méthode sera de 30 colonies par mL.

Pour la recherche des bactéries aérobies sulfito-réductrices, on peut mélanger à parties égales échantillon d’eau et milieu à double concentration. Dans cette technique, le mélange de l’échantillon avec la gélose fondue, même ramené à la température la plus basse possible c’est-à-dire à 45 °C

environ, peut provoquer un choc thermique préjudiciable aux bactéries habituées à vivre dans des eaux de température basse. De plus, la culture par incorporation en gélose n’est pas la plus favorable aux bactéries aérobies strictes.

2. Dénombrement par étalement en surface  


Un faible volume d’échantillon est réparti avec un étaleur stérile (pipette Pasteur repliée « en rateau » sur la surface d’une gélose en boîte de Pétri. Pour une boîte de 90 à 100 mm de diamètre, ce volume ne peut guère excéder 0,2 mL. Le seuil de sensibilité sera donc 5 colonies par mL et, pour une précision exigée de  50 %, la sensibilité acceptable sera de 150 par mL.

Cette technique a l’avantage de ne pas donner lieu à des chocs thermiques. Elle est particulièrement  favorable pour les germes aérobies stricts. Elle permet une différenciation des colonies orientant leur diagnostic et leur repiquage.  

III. Méthode générale de dénombrement en milieu liquide par détermination du nombre le plus probable (NPP)  
  • Principe: 
 Cette méthode est une estimation statistique du nombre de micro-organismes supposés distribués dans l’eau de manière parfaitement aléatoire (loi de Poisson). Dans ce type de méthode, les bactéries se multiplient librement dans le milieu liquide. En cas de présence, l’ensemble du milieu liquide

inoculé vire à la « positivité » (trouble ou virage de l’indicateur). Un jugement quantitatif est possible en jouant sur les volumes de la prise d’essai.

La précision s’accroît avec le nombre de replicats par dilution si bien que les microplaques de 12 × 8 puits sont très bien adaptées à la méthode. Celle-ci permet, en fonction du nombre de tubes ou puits « positifs » dans chaque série, d’indiquer la valeur statistiquement la plus probable : « nombre le plus probable » (NPP).

  • Méthodologie:
En pratique, on ensemence des dilutions successives de l’eau à analyser (par exemple 100, 10 –1, 10 –2) à raison de 3 à 5 tubes de milieu de culture liquide par dilution (et jusqu’à 96 puits en cas de manipulation en microplaque). On notera le nombre de tubes inoculés présentant une culture visible indiquant la présence d’au moins un micro-organisme (par exemple 3/3, 1/3 et 0/3 tubes positifs). Il s’agit d’une méthode à réponse quantique (absence ou présence de culture) et non de type énumératif (comptage de colonies).

Il doit être tenu compte que si l’absence de culture correspond à l’absence de micro-organismes, plus d’un micro-organisme peut être responsable d’une culture positive. En effet, à forte concentration, tous les tubes inoculés ont reçu plusieurs micro-organismes puis, à l’approche d’une dilution dite « limite », variable selon la concentration de la suspension initiale, certaines unités inoculées n’ayant pas reçu de micro-organismes apparaîtront négatives, tandis que d’autres positives en auront reçu un seul, parfois deux ou trois. La loi de Poisson (probabilité d’apparition aléatoire des événements « rares ») estime la probabilité que plus d’un micro-organisme soit responsable d’une réaction positive aux dilutions auxquelles des cultures négatives commencent à apparaître (zone de transition).  


P(x) = Probabilité de x individus par unité de volume.m = Moyenne égale à la variance (σ 2) dans cette distribution binomale positive particulière.


Ainsi, la probabilité de 0 individu est P(0) = e m et celle de 1, 2, 3... individus par unité de volume est P( 0) = 1 – e m dans un tube positif à la dilution limite.

Mc Crady puis De Man ont proposé le calcul mathématique de l’estimation du NPP de microorganismes initialement présents dans la suspension, fondé sur un modèle de distribution de Poisson. Le NPP est donné par la résolution de l’équation :  


ni = Nombre de tubes par dilution.

pi = Nombre de tubes positifs à cette dilution.

vi = Volume inoculé par tube.

d = Estimation du NPP.  

Les tables, en fonction du nombre caractéristique (nombre de puits positifs pour chaque dilution) indiquent la valeur statistiquement la plus probable et son intervalle de confiance (dans l’exemple choisi, nombre caractéristique : 3 – 1 – 0, 1 mL de chaque solution ayant été ensemencé, NPP = 43/mL, intervalle de confiance 7 à 210).

En pratique, par suite de l’utilisation de milieux sélectifs ou d’une réaction biochimique spécifique, on peut mettre en évidence la présence ou l’absence d’une bactérie appartenant à un groupe particulier : coliformes, entérocoques (on parle aujourd’hui d’entérocoques pour parler de strecptocoques d’origine fécale), Escherichia coli, etc. 

Si la modification peut provenir de la présence d’autres germes que ceux recherchés, il convient, sur le contenu de chaque tube positif, de procéder à un examen complémentaire, pour confirmer ou non la présence jusqu’alors présomptive des germes recherchés. C’est bien entendu du nombre de ces tubes confirmés « positifs » dans chaque série, dont il est tenu compte pour exprimer le résultat.

Dans les systèmes proposés ci-dessous, les volumes prescrits d’ensemencement atteignent 10 mL. Or, il n’est pas possible d’inoculer à un milieu de culture plus de 10 % de son volume sans risquer de modifier, du fait de la dilution, les conditions de culture. Aussi, est-il préférable d’user d’un artifice, en préparant des milieux à « double concentration » où tous les ingrédients ont été introduits en concentration double de celle prescrite par la formule.

L’addition à un tel milieu concentré d’un volume égal d’échantillon d’eau à analyser, rétablit la concentration normale d’utilisation.
  • Systèmes d’ensemencement

 1. Trois tubes sont ensemencés avec chacun 10 mL d’eau, trois autres avec chacun 1 mL d’eau, trois autres avec 0,1 mL d’eau (soit 1 mL d’eau diluée au 1/10).
2. Système analogue au précédent ; mais l’ensemencement porte sur cinq tubes par série au lieu de trois.

3. Cinq tubes sont ensemencés avec chacun 10 mL d’eau, un tube avec 1 mL, un tube avec 0,1 mL (soit 1 mL d’eau diluée au 1/10).

4. Un tube est ensemencé avec 50 mL d’eau, cinq autres avec chacun 10 mL, cinq autres avec chacun 1 mL.
5. Utilisation des 96 puits d’une microplaque pour différentes dilutions. Effectuer le choix en fonction de la concentration présumée en microorganismes dans l’eau à analyser et de l’intervalle de confiance souhaité.

IV. Avantages et inconvénients des dénombrements sur milieux liquides

La sensibilité de cette méthode est excellente. De plus, comme les variations de la précision sont fonction non de la concentration microbienne dans la prise d’essai mais de la combinaison choisie pour le calcul du NPP, cette précision est indépendante du seuil de détection. La précision, par contre, est décevante. Pour les 53 combinaisons du tableau correspondant au système n° 1, les limites inférieures se situent entre – 68 % et – 88 % par rapport au NPP, mais les limites supérieures ne se situent qu’entre + 127 % et + 268 % par rapport à ce NPP, 25 % étant au-dessous de + 150 % et 25 % supérieures à + 200 %. L’augmentation du nombre de tubes améliore un peu cette précision ; l’utilisation de microplaques permet d’accéder à un total de 96 puits, tout en simplifiant à la fois ensemencement et lecture.

Parmi les inconvénients de cette technique outre l’imprécision, il peut être noté :

– La difficulté de mettre en évidence, dans un milieu liquide une bactérie très minoritaire par rapport à d’autres, qui risque, si le milieu n’est pas suffisamment sélectif en sa faveur, de disparaître du fait de la compétition bactérienne. Dans les méthodes en milieu solide, les bactéries isolées les unes des autres dans la gélose sont plus à l’abri de ce phénomène.
– L’impossibilité d’isoler une bactérie de son milieu, comme il est possible de le faire dans la filtration sur membrane : s’il y a des inhibiteurs de croissance vis-à-vis de bactéries recherchées, ils peuvent empêcher son développement. Cet inconvénient est surtout important quand de grandes quantités d’échantillons sont utilisées pour ensemencer des milieux concentrés, ou même pour dissoudre des milieux déshydratés.
– La lourdeur des manipulations, particulièrement si des séries de 5 tubes sont utilisées, d’autant plus que la technique impose des repiquages pour confirmer la positivité des tubes d’inoculation. Cet inconvénient disparaissant maintenant du fait de l’utilisation de méthodes en microplaques faisant intervenir un indicateur biochimique spécifique (MUG, MUD) ne nécessitant pas de confirmation. Pour les calculs des NPP, se reporter aux tables des

fabricants.
Parmi les avantages, il faut citer la possibilité de l’utiliser quand la présence de substances colmatantes interdit une concentration sur membrane et qu’une grande sensibilité, incompatible avec les méthodes d’étalement en surface ou d’incorporation en gélose, est exigée. En outre, dans ce même

contexte d’obligation de sensibilité, cette méthode est moins choquante pour les bactéries fragiles que la culture de celles-ci sur membrane : leur nutrition est mieux assurée au sein du liquide, qu’à travers les pores des membranes.
Méthode de référenceNF EN ISO 7218 (octobre 2007). Microbiologie des éléments – Exigences générales et recommandations.  

1 commentaires :

Edward a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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